Je devais partir de Paris, trouver de la lumière et une fraîcheur que je n’arrivais plus à obtenir ici. Après un an passé à ruminer ma rupture et remplir mon cœur de noir, je décidai de partir loin pour faire la seule chose qui m’animait encore un peu, prendre des photos. Je n’arrivais pas à me défaire des images de cette histoire, des souvenirs qui accrochent l’esprit et pénètrent comme un acide. J’avais plus que tout besoin de lumière, exposer la pellicule, me perdre dans les heures et les jours qui passent dans un pays lointain. Je partis dans le froid et l’obscurité de janvier pour une durée de 5 mois avec, disons-le, un programme plutôt flou. J’allais rejoindre l’Amérique Latine en commençant par la Colombie pour ensuite descendre le long de la cordillère des Andes jusqu’à l’épuisement de mes réserves d’argent et la dilution complète de cet acide qui me rongeait les méninges.
Le premier mois passé sur ce continent étranger fut comme un éclair, un éblouissement persistant qui s’impose sur la rétine. Petit à petit, j’apprivoisais cette lumière des basses latitudes où le soleil projette ses rayons comme des rideaux métalliques incandescents, effaçant les ombres, écrasant les têtes. Mon appareil photo trépignait devant un tel festin lumineux et, chaque fois que j’appuyais sur le déclencheur de ce vieux compagnon, un infime élan de légèreté m’envahissait et me poussait à continuer. Avec la lumière j’allais aussi retrouver une liberté, insouciante, évidente presque, de celles qu’on expérimente durant l’enfance pendant les longues journées d’été. Je resterai sur ce continent une année entière, parcourant ces pays Andins depuis le nord de l’équateur jusqu’à l’extrême sud de la Patagonie.
"Alta Vida est un projet qui n’en était pas un. Il s’est construit au gré de mes errances de voyageur et de mes flâneries attentives. Car, la plupart du temps, je ne contrôlais rien si ce n'est ma capacité à marcher sans but pendant des heures dans des endroits inconnus. C’est aussi une histoire d’élévations et de rencontres en altitude, entre deux respirations. La dignité de ces peuples qui habitent ces sommets depuis toujours aura agi sur moi comme un miroir, m’invitant à me tenir debout à mon tour, avec simplicité."
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